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25 septembre 2018 2 25 /09 /septembre /2018 16:09

#DanielMendelsohn #Odyssée #RDVdu26 #PèreFils #livre #traduction

Dans son Odyssée – que je vous recommande chaudement - Daniel Mendelsohn remarque à peu près : autant un père peut avoir de son fils une connaissance complète, autant, un fils ne peut jamais vraiment tout connaître de son père.

"... he had known me all along. Well, why not? He had made me. A father makes his son out of his flesh and out of his mind and he shapes him with his ambitions and dreams, with his cruelty and failures too. But a son although he his of his father, cannot know his father totally, because the father precedes him; his father has already lived so much more than the son has, so as the son can never catch up, can never know everything. No wonder the Greeks thought that few sons are the equals of their fathers; that most fall short, all too few surpass them. It's not about value; it's about knowledge. The father knows the son whole, but the son can never know the father." DM

ma trad : (Il me connait depuis toujours. Bien sûr, il m'a fait lui-même. Un père vous fabrique avec sa chair et vous façonne avec ses rêves et ses ambitions, avec sa cruauté et ses erreurs aussi. ((je précise que le livre est dédié à sa mère, pour ceux-celles qui seraient chatouilleux de la parité)) Mais un fils, bien qu'il soit issu de son père, ne peut jamais le connaître complètement, puisque par définition, son père le précède ; le père a déjà vécu tellement davantage que le fils, il est bien sûr impossible que celui-ci le rattrape jamais, jamais il ne pourra tout savoir de son propre père. D'où cette pensée  des Grecs Anciens selon laquelle peu de fils sont les égaux de leurs pères, la plupart ne sont pas la hauteur, très rares sont ceux qui les surpassent.

Il ne s'agit pas là de valeur mais de savoir. Le père connaît son fils dans son intégralité, mais le fils ne pourra jamais connaître son père.)

Rendez-vous d'automne, précoce doucement

Effectivement, l’enfance, l’adolescence, les années de formation de nos parents, nous échappent, à nous leurs enfants.

Alors que par définition ils nous voient devenir ce que nous serons.

Pourtant, j'ai eu en mains le journal des 20 ans de Willy.

Et quand j'y ai lu des expressions comme "il m'est venue une idée sotte et grenue" j'ai eu la sensation de l'y retrouver tout entier – son même esprit, déjà et pour toujours.

Par ailleurs Daniel Mendelsohn dit de son père Jay, des choses qui m'ont rappelé le mien. Cette phrase typique, en particulier :

 

"For him, the more difficult something was to achieve or to appreciate, the more unpleasant to do or to understand, the more likely it was to possess this quality that for him was the halmark of worthiness." DM

ma trad : (Pour lui, plus une chose était difficile à accomplir ou à évaluer, plus elle était désagréable à réaliser ou ardue à comprendre, plus elle avait des chances de posséder cette qualité qui était pour lui la marque indéniable de la vraie grande valeur.)

Des exigeants, Jay et Willy, des gars pour qui difficile était synonyme de bon. Vu de loin, c'est attendrissant finalement, toute cette rigueur.

Et à part ça ?

Vous aurez remarqué que je poste un peu en avance. Emploi du temps oblige. Je vais passer quelques jours à la campagne, dans un de ces endroits préservés où la connexion est mauvaise et où de toute façon on n'en sent pas le besoin.

Je me griserai d'odeurs fraîches et de visions naturelles. Je mangerai la bonne cuisine de ma mère (dont je ne parle jamais ici, par pure superstition - elle va bien, nous nous entendons de mieux en mieux) et je penserai à vous.

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26 juillet 2018 4 26 /07 /juillet /2018 10:24

Six ans. Ça ne fait plus mal. Je m'ausculte, je confirme. Willy a disparu, d'autres proches l'ont suivi - leur perte est plus aigüe maintenant que la sienne. 

Ce qui a disparu c'est leur présence, pas les rapports qui nous liaient.

Dans certaines  de mes attitudes je les reconnais. Dans ma manière d'écouter Guilhem qui explique le fonctionnement du moteur à explosion. Dans ma manière de regarder quelqu'un qui danse sans se soucier de l'effet produit. Dans certaines de mes impatiences aussi.

SIX ANS

Dans la série Westworld, un personnage dit "tu vivras aussi longtemps que la dernière personne qui se souviendra de toi" ... ils font grand cas de la mémoire et de cette conscience qu'ils savent replacer dans un corps ressuscité. C'est de la SF évidemment. Ça n'est pas fait pour consoler.

SIX ANS

Moi je fais confiance aux choses. Sur une table de brocanteur j'ai vu dimanche dernier plusieurs de ces vases en verre torsadé, uniflor, qu'on offrait pour la fête des Mères. Ils étaient neufs, rescapés des années 70. L'un d'eux portait même encore cette étiquette dorée, faussement roulée aux extrémités, façon parchemin, sur laquelle était imprimé en noir BRUNIQUEL.

Un de ces noms que je n'ai plus entendus depuis mon enfance, un mot presque neuf mais surchargé d'impressions. Un endroit, une visite prévue. J'entends une voix familière prononcer "Il faudra visiter Bruniquel, ça vaut la peine".

SIX ANS

C'est comme découper les pages d'un livre, neuf d'il y a soixante dix ans. Avec un coupe-papier (je le note parce que je me suis promis de faire une liste des objets qui ne vont bientôt plus servir à rien ...)

SIX ANS

Vous allez penser que je mélange tout.

C'est ce qui se passe quand je n'ai rien préparé.

Une note dans mon carnet rouge.

Une phrase qui traîne dans ma tête.

La chaleur déjà du matin, les roses séchées en un jour dans leur vase, celle blanche déchirée comme du papier que je garde depuis six ans. Une rose de Willy, une rose d'Alain, une rose d'Arty et un bouquet de petites qui ne sont allées à l'enterrement de personne, pour ne pas oublier que la beauté n'a pas besoin de références.

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27 mai 2018 7 27 /05 /mai /2018 12:03

Voilà, j'ai encore manqué le 26. On pourrait dire que 'je m'y fais' ou simplement que la vie m'étourdit, plus forte que ceux qui la quittent. Le fait est que la liste vient encore de s'allonger, Philip Roth là-bas. Et, tout près de moi ...

A la faveur (si on peut dire) de la disparition d'Arty, je comprends d'un coup pourquoi mon père m'a annoncé, il y a déjà ... 8 ans ? "ton papa n'a plus de maman". Phrase qui à l'époque m'avait paru infantile, inquiétante, neuneu, bizarre.

J'ai tellement de mal moi-même à dire le, les vrais mots. Voulant avertir une amie chez qui nous devions dîner, je n'ai pas réussi à écrire ce qu'il fallait, le plus clair et le plus court, le moins pathos et le plus digne. J'ai bien dû m'avouer que m'était venu "il n'a plus de maman". Je ne suis pas allée jusqu'à l'écrire, j'ai fait seulement un petit retour en arrière vers mon propre papa plus là.

rendez vous du du 26 + 1 + une

Je comprends enfin pourquoi il est bon - et comme tout ça est bien fait - que nous nous constituions chacun notre propre famille, en dehors de nos parents. Quand ils nous quittent nous ne sommes ainsi pas seuls au monde. Mon amoureux est désormais seul de sa famille d'origine. J'ai le vertige pour lui. Mais il nous a nous, sa famille a lui, qu'il a faite.

Comme une fleur coupée. Tant qu'on est sur la plante, celle que constituent nos parents, bourgeon, bouton, fleur, on a de l'avenir. Quand ils meurent, on est comme une fleur coupée.

Sauf qu'en vrai on est plutôt graine et que l'avenir ouvert fait que nous allons nous planter un peu plus loin, parfois à peine, parfois très, pour constituer à notre tour une plante qui donnera d'autres graines.

Absurde de s'imaginer fleur coupée tant qu'on est soi-même plein de vie

rendez vous du du 26 + 1 + une

Et sur ce, alors que l'été nous sourit déjà, je vous embrasse ...

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25 janvier 2018 4 25 /01 /janvier /2018 17:40

#Willy #pouces #mains #anecdote #famille

Comme je sais que le jour venu (et même si j'y pense un peu à l'avance) je ne saurai pas forcément quoi vous raconter, à vous les fidèles, vous les fans de Willy, vous pour qui il est toujours là, dans un coin de votre tête.  Ou vous qui ne l'avez pas connu mais vous plaisez à l'imaginer à travers moi. Je prépare toujours un peu, c'est à dire, s'il me vient une idée à n'importe quel moment, je la note. C'est ainsi que je trouve en tête de ma liste de pistes : "les pouces de Willy".

Ceux qui l'ont connu le savent, c'étaient des pouces épiques. La phalange supportant l'ongle (je ne sais jamais s'il s'agit de la première ou de la dernière) était particulièrement développée et pouvait d'elle-même se renverser à l'horizontale. Il faut l'imaginer faisant du stop, ou un "like" couché.

Willy aimait bien ses propres pouces et ne pouvait s'empêcher, à chaque fois qu'il en était question (dans les repas de famille on n'aborde pas que les grands sujets), de raconter qu'il devait cette particularité à une habitude qu'il avait quand il était tout petit (comprendre, quand son père était encore en vie) de pousser les lourdes tables de l'atelier de couture avec ses pouces.

Je ne sais pas pourquoi il aimait  tant cette histoire. Pousser avec ses pouces !?  Allons donc. Je ne crois pas que leur forme était une déformation. Tout le monde acceptait l'hypothèse sans jamais la remettre en cause.

Les Pouces de Willy

Récemment je me suis demandé ce que ça pouvait bien vouloir dire.

D'autant que ma fille, qui n'a jamais poussé aucune table, ou pas davantage que n'importe qui, a exactement les mêmes pouces que son grand-père, alors que son père à elle, tout comme moi, ne sommes équipés que du modèle standard.

Les Pouces de Willy

Je pense que Willy était content de pouvoir revivre un instant l'atmosphère de l'atelier de son père. Il devait se revoir, en racontant l'anecdote devenue légende, se sentir comme s'il y était appuyer très fort sur le bord des tables avec ses pouces, sans que rien ne bouge.

Et cette idée d'avoir façonné lui-même une partie de son anatomie, d'avoir grandi dans cet endroit disparu ... Peut-être que c'est un peu plus compliqué que ça. Je ne saurai pas. Lui-même ne savait peut-être pas non plus.

Dire que je regrette de n'avoir jamais pris ses mains en photo me semble aujourd'hui la moindre des choses.

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26 août 2017 6 26 /08 /août /2017 10:13

Sous le coup d'un nouveau deuil, je m'aperçois que chacune des personnes que nous perdons, que je perds (et je suis bien consciente que vu le temps qui s'écoule, elles seront de plus en plus nombreuses) ramène avec elle les précédentes, comble les lacunes, ravive les douleurs, suscite les souvenirs ou les prises de conscience.

Je ne me souviens pas d'avoir, après la mort de Willy, regardé par la fenêtre en m'étonnant que tout soit à la même place : le toit de l'hôtel en face, son gros conduit de cheminée, le torchon tombé sur l'appentis du restaurant dans la cour, les fleurs sur le rebord de la fenêtre, le ciel, les petits nuages, les gens qui marchent dans la rue ... rien, absolument rien d'extérieur ne se trouve changé quand un pan entier de votre existence, ou un morceau de votre cœur, s'écroule. C'est incompréhensible.
Et rassurant : la vie continue, libre à vous de remonter dans son train en marche tout de suite ou plus tard, tel que vous étiez la veille ou transformé, intègre ou en petits fragments.

un rendez-vous du 26 pour W, pour A et pour les autres

J'ai fait pour mon beau-frère, tout ce qui m'avait été épargné pour papa. Je suis allée le voir à l'hôpital tous les jours, ma main bien serrée dans celle de mon amour (toute seule je n'aurais jamais pu et c'est pour ça que j'ai tenu à l'accompagner, en m'imaginant que lui non plus, peut-être, tout seul n'aurait pas pu).

Je l'ai aussi accompagné quand il est allé remettre les vêtements derniers au second sous-sol de l'hôpital et quand il est allé au bureau des services funéraires choisir tout ce qu'il faut choisir : depuis la couleur du bois du cercueil qui brûlera, jusqu'à la taille de la pièce où lui sera rendu un hommage public, en passant par le tissu qui capitonne la boîte, les fleurs qu'on posera dessus, les emblèmes qui l'ornent et la matière de l'urne...

Mon père habitait loin de chez moi, son épouse était auprès de lui, c'est elle qui s'est occupée de toutes ces choses qu'on n'imagine pas et que je n'ai qu'à peine commencé à citer la liste.

Alors bien sûr je pleure, je pleure des larmes nouvelles et je me demande sur qui je les verse, celui qui nous a quittés, bien sûr, qui va nous manquer, sur la famille autour qui subit un nouvel assaut, sur mon père, mon chat noir et mes grand-mères, dans l'ordre inverse de disparitions. Sans oublier mon ami D, et mon ami C, parce que les amis disparaissent aussi.

Et sur moi, évidemment sur moi, sur mes trouilles et mes impuissances, sur mon inimaginable fin qui m'a toujours parue impossible et dont je continue à penser, tout en sachant très bien le contraire, que ça n'arrive qu'aux autres et que moi, d'une façon ou d'une autre, et sûrement de la plus naturelle façon qui soit, j'y échapperai.

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