même si on l'aborde bardé de lectures (ou de musique, je suppose)
il n'y a jamais de trajet en métro complètement anodin
hier, grande densité, je me trouve coincée près d'un très grand type
veste de peau claire, cheveux coupés courts, alliance
l'allure a priori aussi normale que la plupart des autres autour
qui de temps à autre,
malgré le monde et l'attitude générale de discrétion forcée,
lève ses deux grandes mains au bout de ses deux longs bras
pour se frictionner frénétiquement la tête
prendant dix secondes, à faire trembler tout le wagon
et ce avec l'air le plus impassible qui soit
aujourd'hui, belle affluence aussi
je remarque que la vieille tradition qui voulait qu'un homme en pleine santé
laisse volontiers sa place à toute dame
qui aurait l'air d'avoir davantage que lui besoin de s'asseoir
est morte
enterrée sous nos airs absorbés
qui dans sa lecture, qui dans ses pensées, qui dans le tripotage de son téléphone
et qu'en fait, tous et d'avance nous nous haïssons
ce qui me pousse à repenser à l'initiative d'un gars un jour
annonçant qu'il ne nous demandait ni argent, ni pitié
mais qu'il allait nous inviter tous et chacun à dire bonjour à notre voisin
le wagon s'y est prêté de bonne grâce
sachant que personne n'était dupe
on peut très bien s'adresser la parole et même se sourire tout en se haïssant farouchement
et de conclure ?
qu'un trajet en métro n'est jamais anodin