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26 juillet 2019 5 26 /07 /juillet /2019 11:30

Sept ans aujourd’hui.
Tous les chiffres sont magiques, mais certains le sont plus que d’autres.

J’ai laissé passer beaucoup de rendez-vous. Je n’ai pas envie de les compter.
Le temps a rempli son office. Le manque a changé de goût.
Je voudrais éviter les mots trop précis. Le souvenir, lui, n’est pas flou du tout. Je suis ici dans l’appartement d’autres disparus.

Il me semble important de marquer la date. Sept ans. Tellement ! Si peu !?

De dire à ceux qui ont perdu un être cher (c’est fou toutes les formules qui vous tombent dessus dès qu’on aborde ces sujets : les deux bouts de la vie et quelques autres circonstances inévitables), leur dire qu’effectivement le malheur, le chagrin, l’impression d’irréparable et de tout est foutu rien ne sert à rien, adoucissent leurs angles pointus.

7 ans de rendez-vous du 26

Pensant à lui, je pense que Willy aurait été comme moi parcouru d’espoir face au soulèvement têtu des Gilets Jaunes, que je lui aurai parlé du livre de Grégoire Bouillier.
Peut-être aurions-nous discuté de sa lecture du « I am Not Your Negro » de James Baldwin, avec lequel il trace un parallèle.

7 ans de rendez-vous du 26

De cette citation que GB en fait « La question, c’est vraiment cette sorte d’apathie morale et d’absence totale de conscience qui règne jusque chez les gens cultivés et qui est le prix de la ségrégation. »
Sûrement du concept de « racisme économique » …

Ou alors pas du tout. Mon père aurait eu quoi ? 85 ans.

On aurait plutôt parlé de son olivier, des qualités gustatives des murex, d’une recette de cœurs d’artichauts, de ses petits enfants, tous très grands maintenant, de mon prochain bouquin, de son prochain voyage …

(Mais voilà que j'idéalise bien sûr. On aurait parlé, au téléphone, et on se serait perdus dans des histoires de dates et de complications. Je n'aurais pas réussi à aborder Bouillier, on aurait généralisé sur les Gilets, il aurait embrayé - un mot à lui - sur les nouvelles d'un groupe de ses amis que je ne connais pas ... etc.)

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5 février 2019 2 05 /02 /février /2019 15:03
janvier 2019
L'année commence, et je suis déjà en retard. J'ai pensé au rendez-vous ce matin, fugacement, et puis j'ai oublié. Je ne m'en suis ressouvenue que là. 
Et comme à chaque fois que j'oublie, je me dis que c'est bon signe. Le deuil indéniablement accompli. 
Bien sûr ça ne veut rien dire, surtout pas que je vais arrêter les rendez-vous du 26.
D'autant qu'entre temps d'autres personnes chères viennent à nous manquer, à vous comme à moi.
 
Donc, c'est un peu au dépourvu, au débotté ? La bise n'est pas venue mais le vent a plusieurs fois tourné. Que je vous offre un petit extrait de L'Affaire Sparsholt de Allan Hollinghurst, un très bon auteur que je vous recommande, mais dont celui-ci n'est pas le meilleur. 
Simplement j'ai noté ce petit passage parce qu'il me fait penser à une chose que j'ai souvent cherché à retrouver à propos de Willy ...
 
Somehow in the sway of his confidence, they ignored the taxi rank, and he led them on till he stood by the Euston Road in his trilby, his raincoat over one arm, the other arm raised as a dozen cabs ran past with passengers already in them, smoking, reading the paper and leaning foward to joke with the driver. It was a first glimpse of his father's fallibility, just when he'd intended to impress.
(Il paraissait si sûr de lui que les autres dépassèrent la station de taxis sans y faire attention. Ils le suivirent jusqu'à Euston Road. Planté là, chapeau sur la tête et imper sur le bras, il faisait de grands signes, une douzaine de taxis lui passaient devant, déjà occupés, dont on voyait les passagers fumer, lire le journal ou se pencher pour blaguer avec le chauffeur. C'était la première fois qu'il était témoin de la faillibilité de son père, à un moment où celui-ci tentait d'impressionner son monde.)
 
Aucun souvenir de taxi de mon côté, mais cette sensation de voir l'image de mon père en prendre un coup, de le découvrir soudain vulnérable, sans défense ou ayant maladroitement raté son coup ... m'est familière.
J'aimerais beaucoup retrouver un exemple précis, une circonstance exacte, mais je ne vois pas.
 
Je me souviens seulement que de mon côté le sentiment était à la fois désolant et un peu tendre.
 
Il me semble qu'il y aussi quelque chose de cet ordre-là dans le bouquin de Ivan Jablonka, En Campig-Car, que je vous recommande aussi. Je n'ai rien noté qui soit significatif mais je crois que le regard du fils sur le père n'est pas dénué là de cette sorte de désenchantement qui fait grandir.
 
Voilà, c'est tout pour ce mois-ci. Jusqu'au prochain !
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26 novembre 2018 1 26 /11 /novembre /2018 11:06

Je sais bien qu’ils ont 20 ans de différence, mais je lis Le premier Homme d’Albert Camus – livre posthume, inachevé, autobiographique – et je retrouve Willy d’Alger.

Dans les jeux, le vent, les cafés, le lycée … et sa mère.

Avec le concours d'Albert

Trois noyaux d’abricots posés en trépied, à dégommer avec un quatrième.

Sur la terrasse en ruine de la maison des invalides de Kouba, les enfants jouent avec les rafales.

Pour accompagner l’anisette, au café, des coupelles d’olives, de céleri, d’anchois, de frites et de lupins, dits ‘tramousses’.

Au lycée, l’escalier d’honneur et la petite porte du concierge et de tous les jours, la solennité de la remise des prix.

Quant à sa mère, bien sûr, « c’est tout un poème » aurait dit Willy. Pas le même évidemment, mais une dévotion pareille, une admiration jamais démentie, une reconnaissance poignante, un attachement presque démesuré, pour cause de père disparu. Le tout couronné d’une difficulté partagée à dire son amour qui prend des formes détournées.

Avec le concours d'Albert

Il y a aussi le soleil et les chemises blanches, les pantalons bien repassés, l’odeur des bateaux. L’hymne à l’école de la République, la joie de dévorer des livres, les tentations adolescentes à peine esquissées et un rapport aux femmes que je reconnais tout à fait.

Allez, un petit extrait : « … les hommes tenaient, comme tous les Méditerranéens, aux chemise blanches et aux plis du pantalon, trouvant naturel que ce travail d’entretien incessant, vu la rareté de la garde-robe, s’ajoute au travail des femmes, mères ou épouses.»

Sans oublier le vent : « Là, dressé au-dessus de ce parc et de ce plateau bouillonnant d’arbres, sous le ciel traversé à toute vitesse par d’énormes nuages, il sentait le vent venu des extrémités du pays descendre le long de la palme et de ses bras pour le remplir d’une force et d’une exultation qui le faisaient pousser sans discontinuer de longs cris, jusqu’à ce que les bras et les épaules sciés par l’effort, il abandonne enfin la palme que la tempête emportait d’un seul coup avec ses cris. Et le soir, couché, rompu de fatigue, dans le silence de la chambre où sa mère dormait légèrement, il écoutait encore en lui hurler le tumulte et la fureur du vent qu’il devait aimer toute sa vie. »

Avec le concours d'Albert

Il y a également l'idée que quand on en sait plus que les siens, on est un monstre. Avatar de la honte chez Annie Ernaux. Mais je n'ai jamais vu ça chez mon père, de la culpabilité oui, pour tout, à la Romain Gary, de n'être pas à la hauteur, de ne pas "en faire" assez ... mais pas la honte, non plus que la sensation, d'avoir fui ou trahi sa classe d'origine.

Et une autre, très belle, faut que je retrouve, liée à l'engagement. A ces qualités qui rendent inapte à comprendre la complexité grandissante du monde ... "Il avait vécu ainsi, dans les jeux de la mer, du vent, de la rue, sous le poids de l'été et les lourdes pluies du bref hiver, sans père, sans tradition transmise ... avançant à travers les êtres et les choses ... la connaissance s'ouvrait à lui pour se fabriquer quelque chose qui ressemblait à une conduite (suffisant à ce moment pour les circonstances qui s'offraient à lui, insuffisantes plus tard devant le cancer du monde) et pour se créer sa propre tradition."

La première partie de ce Premier Homme s'intitule "Recherche du père", j'imagine bien que pour ceux qui n'ont pas connu le leur ou trop brièvement, c'est LA quête numéro un.

Pour moi qui ai  eu tout le temps, il y a écho tout de même.

Je cherche mon père dans mes souvenirs, je le trouve dans les livres des autres et je vous le raconte. 

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26 octobre 2018 5 26 /10 /octobre /2018 15:20

Retour de Tokyo, dix jours d’émerveillement ravi (sachant qu’au départ j’avais peur de tout : l’exotisme, les radiations).

Des plantes et des arbres partout, le chant des grillons, des amis de là-bas et d’ici qui nous font participer à des dingueries charmantes : un vernissage improvisé, une séance de chanson française en japonais, un cours de dessin d’insectes avec des enfants, une cérémonie du thé pour trois, la visite d’un atelier de peintre en forme de maison de poupée … j’en oublie déjà !

à la porte de l'automne

De retour, donc, je me demande si quelque chose là-bas m’a fait penser à Willy, à part la boutique, parmi tant d’autres de vaisselle et de fournitures pour restaurants à Kappabashi, où j’ai regardé les petites théières fines en me demandant laquelle je lui rapporterais s’il était encore là pour s’extasier …

Jeu de mots bien sûr ! Le jour où on a pris le train pour Kamakura … le nom d’une station m’a fait sourire, je me suis dit que s’il était avec nous, il ne pourrait absolument pas résister : SHISUI !

à la porte de l'automne

Voilà … sinon, puisque la série des disparus ne va pas s’arrêter là, évoquons le dernier en date, belle vie, belle fin.  Il semblerait que Charles Aznavour était un grand maniaque du même genre.

Dans « Autobiographie » l’excellent documentaire réalisé sur lui par Marc di Domenico, Aznavour rend visite à Michou, dans son salon bleu, qui sort les verres à champagne bleus, et déclare « c’est un grand moment ! » Aznavour ajoute rigolard, se désignant lui-même du doigt « et un grand papa aussi ! »

Sur le plateau de Michel Drucker, Lino Ventura raconte, à propos du tournage d’Un Taxi Pour Tobrouk : «  il m’énervait Aznavour à faire tout le temps des jeux de mots, dès que je disais quelque chose, paf ! jeu de mot, infatigable. »

Et je me disais, en rêvassant à Shisui (shi reste) que cette manie qui agaçait Ventura, et qui m’agaçait moi aussi beaucoup chez papa, est finalement une des choses les plus profondément inscrites dans ma mémoire de lui.

C’est quand le mot qui prête à jouer montre le bout de son nez que je sens indéniablement la présence de mon père, de son esprit ou de son fantôme tout près à mes côtés.

Il me souffle dans l’oreille la blague à faire, alors je souris.

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25 septembre 2018 2 25 /09 /septembre /2018 16:09

#DanielMendelsohn #Odyssée #RDVdu26 #PèreFils #livre #traduction

Dans son Odyssée – que je vous recommande chaudement - Daniel Mendelsohn remarque à peu près : autant un père peut avoir de son fils une connaissance complète, autant, un fils ne peut jamais vraiment tout connaître de son père.

"... he had known me all along. Well, why not? He had made me. A father makes his son out of his flesh and out of his mind and he shapes him with his ambitions and dreams, with his cruelty and failures too. But a son although he his of his father, cannot know his father totally, because the father precedes him; his father has already lived so much more than the son has, so as the son can never catch up, can never know everything. No wonder the Greeks thought that few sons are the equals of their fathers; that most fall short, all too few surpass them. It's not about value; it's about knowledge. The father knows the son whole, but the son can never know the father." DM

ma trad : (Il me connait depuis toujours. Bien sûr, il m'a fait lui-même. Un père vous fabrique avec sa chair et vous façonne avec ses rêves et ses ambitions, avec sa cruauté et ses erreurs aussi. ((je précise que le livre est dédié à sa mère, pour ceux-celles qui seraient chatouilleux de la parité)) Mais un fils, bien qu'il soit issu de son père, ne peut jamais le connaître complètement, puisque par définition, son père le précède ; le père a déjà vécu tellement davantage que le fils, il est bien sûr impossible que celui-ci le rattrape jamais, jamais il ne pourra tout savoir de son propre père. D'où cette pensée  des Grecs Anciens selon laquelle peu de fils sont les égaux de leurs pères, la plupart ne sont pas la hauteur, très rares sont ceux qui les surpassent.

Il ne s'agit pas là de valeur mais de savoir. Le père connaît son fils dans son intégralité, mais le fils ne pourra jamais connaître son père.)

Rendez-vous d'automne, précoce doucement

Effectivement, l’enfance, l’adolescence, les années de formation de nos parents, nous échappent, à nous leurs enfants.

Alors que par définition ils nous voient devenir ce que nous serons.

Pourtant, j'ai eu en mains le journal des 20 ans de Willy.

Et quand j'y ai lu des expressions comme "il m'est venue une idée sotte et grenue" j'ai eu la sensation de l'y retrouver tout entier – son même esprit, déjà et pour toujours.

Par ailleurs Daniel Mendelsohn dit de son père Jay, des choses qui m'ont rappelé le mien. Cette phrase typique, en particulier :

 

"For him, the more difficult something was to achieve or to appreciate, the more unpleasant to do or to understand, the more likely it was to possess this quality that for him was the halmark of worthiness." DM

ma trad : (Pour lui, plus une chose était difficile à accomplir ou à évaluer, plus elle était désagréable à réaliser ou ardue à comprendre, plus elle avait des chances de posséder cette qualité qui était pour lui la marque indéniable de la vraie grande valeur.)

Des exigeants, Jay et Willy, des gars pour qui difficile était synonyme de bon. Vu de loin, c'est attendrissant finalement, toute cette rigueur.

Et à part ça ?

Vous aurez remarqué que je poste un peu en avance. Emploi du temps oblige. Je vais passer quelques jours à la campagne, dans un de ces endroits préservés où la connexion est mauvaise et où de toute façon on n'en sent pas le besoin.

Je me griserai d'odeurs fraîches et de visions naturelles. Je mangerai la bonne cuisine de ma mère (dont je ne parle jamais ici, par pure superstition - elle va bien, nous nous entendons de mieux en mieux) et je penserai à vous.

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26 août 2018 7 26 /08 /août /2018 17:19

« Quand vous aurez fini de monter des cendres, vous descendrez mon thé »

Il aimait bien nous taquiner, petites, ma sœur et moi, avec ce genre de jeux, comme "Vincent mit l’âne" et "Chat vit rôt" que je crois avoir déjà évoqués …

Six ans et un mois

A la radio, j'entends dire que la gourmandise était mal vue des autorités religieuses, pas seulement en tant que telle, mais parce qu'elle entraînait inévitablement à d'autres excès.

 

Willy n'hésitait pas à emprunter souvent ce genre de chemin.

Le mot magique et redouté, le mot qu'il ne tardait jamais à prononcer et me hérissait c'était : Engrenage.

Ne vous en ai-je pas déjà parlé ?

 

C'était son excuse pour nous interdire de petites choses, des coquetteries essentiellement. Etre coquettes nous rendrait frivoles et frivoles, écervelées, distraites, voire pire ...

Ce sont des bribes revenues.

Six ans et un mois

Un mot entendu dans la rue ou sur les ondes (ah ah ah, plus personne ne dit ça, le numérique a fait taire les ondes, les a enterrées même, peut-être. Il y a toujours pourtant, à côté de la Maison de la Radio - ou dit-on désormais Radio France, sans maison ?- un café qui s'appelle Les Ondes), une expression, un geste nous les ramène ...

Les nôtres même défunts sont toujours avec nous.

Six ans et un mois

Il y a quelques jours sur un quai de gare, ayant des minutes à perdre, je me décidai à sortir de mon sac une pêche et à la manger là, assise sur un tube de métal, vestige de banc - les deux pieds bien campés, les genoux écartés.

 

Au moment où j'ai mordu dedans, où un peu de jus a coulé sur le sol, malgré l'aspiration préventive, j'ai reconnu un plaisir de pique-nique, une attitude Willyesque. Comme s'il mangeait ce fruit avec moi. 

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26 juillet 2018 4 26 /07 /juillet /2018 10:24

Six ans. Ça ne fait plus mal. Je m'ausculte, je confirme. Willy a disparu, d'autres proches l'ont suivi - leur perte est plus aigüe maintenant que la sienne. 

Ce qui a disparu c'est leur présence, pas les rapports qui nous liaient.

Dans certaines  de mes attitudes je les reconnais. Dans ma manière d'écouter Guilhem qui explique le fonctionnement du moteur à explosion. Dans ma manière de regarder quelqu'un qui danse sans se soucier de l'effet produit. Dans certaines de mes impatiences aussi.

SIX ANS

Dans la série Westworld, un personnage dit "tu vivras aussi longtemps que la dernière personne qui se souviendra de toi" ... ils font grand cas de la mémoire et de cette conscience qu'ils savent replacer dans un corps ressuscité. C'est de la SF évidemment. Ça n'est pas fait pour consoler.

SIX ANS

Moi je fais confiance aux choses. Sur une table de brocanteur j'ai vu dimanche dernier plusieurs de ces vases en verre torsadé, uniflor, qu'on offrait pour la fête des Mères. Ils étaient neufs, rescapés des années 70. L'un d'eux portait même encore cette étiquette dorée, faussement roulée aux extrémités, façon parchemin, sur laquelle était imprimé en noir BRUNIQUEL.

Un de ces noms que je n'ai plus entendus depuis mon enfance, un mot presque neuf mais surchargé d'impressions. Un endroit, une visite prévue. J'entends une voix familière prononcer "Il faudra visiter Bruniquel, ça vaut la peine".

SIX ANS

C'est comme découper les pages d'un livre, neuf d'il y a soixante dix ans. Avec un coupe-papier (je le note parce que je me suis promis de faire une liste des objets qui ne vont bientôt plus servir à rien ...)

SIX ANS

Vous allez penser que je mélange tout.

C'est ce qui se passe quand je n'ai rien préparé.

Une note dans mon carnet rouge.

Une phrase qui traîne dans ma tête.

La chaleur déjà du matin, les roses séchées en un jour dans leur vase, celle blanche déchirée comme du papier que je garde depuis six ans. Une rose de Willy, une rose d'Alain, une rose d'Arty et un bouquet de petites qui ne sont allées à l'enterrement de personne, pour ne pas oublier que la beauté n'a pas besoin de références.

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27 mai 2018 7 27 /05 /mai /2018 12:03

Voilà, j'ai encore manqué le 26. On pourrait dire que 'je m'y fais' ou simplement que la vie m'étourdit, plus forte que ceux qui la quittent. Le fait est que la liste vient encore de s'allonger, Philip Roth là-bas. Et, tout près de moi ...

A la faveur (si on peut dire) de la disparition d'Arty, je comprends d'un coup pourquoi mon père m'a annoncé, il y a déjà ... 8 ans ? "ton papa n'a plus de maman". Phrase qui à l'époque m'avait paru infantile, inquiétante, neuneu, bizarre.

J'ai tellement de mal moi-même à dire le, les vrais mots. Voulant avertir une amie chez qui nous devions dîner, je n'ai pas réussi à écrire ce qu'il fallait, le plus clair et le plus court, le moins pathos et le plus digne. J'ai bien dû m'avouer que m'était venu "il n'a plus de maman". Je ne suis pas allée jusqu'à l'écrire, j'ai fait seulement un petit retour en arrière vers mon propre papa plus là.

rendez vous du du 26 + 1 + une

Je comprends enfin pourquoi il est bon - et comme tout ça est bien fait - que nous nous constituions chacun notre propre famille, en dehors de nos parents. Quand ils nous quittent nous ne sommes ainsi pas seuls au monde. Mon amoureux est désormais seul de sa famille d'origine. J'ai le vertige pour lui. Mais il nous a nous, sa famille a lui, qu'il a faite.

Comme une fleur coupée. Tant qu'on est sur la plante, celle que constituent nos parents, bourgeon, bouton, fleur, on a de l'avenir. Quand ils meurent, on est comme une fleur coupée.

Sauf qu'en vrai on est plutôt graine et que l'avenir ouvert fait que nous allons nous planter un peu plus loin, parfois à peine, parfois très, pour constituer à notre tour une plante qui donnera d'autres graines.

Absurde de s'imaginer fleur coupée tant qu'on est soi-même plein de vie

rendez vous du du 26 + 1 + une

Et sur ce, alors que l'été nous sourit déjà, je vous embrasse ...

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26 avril 2018 4 26 /04 /avril /2018 09:47

Nous y revoici. Le sujet, c'est la mort quand-même, des fois qu'on oublierait. J'y ai pensé ces temps, allez comprendre ... trop de visites au crématorium du Père Lachaise, probablement.

Pendant très longtemps, depuis que j'ai eu sept ans à peu près, j'ai eu peur de la mort, de ma mort, j'essayais de me l'imaginer et c'était cauchemardesque parce que ne pas exister n'est pas envisageable.

par les cornes, ou quoi ?

A quelques unes des cérémonies funéraires auxquelles j'ai eu l'honneur et le désarroi d'assister, j'ai eu l'occasion de remarquer que mes larmes coulaient encore, bizarrement et contre toute attente, sur moi-même. Face au cercueil couvert de fleurs, pensant à la personne qui n'est plus mais qui est tout de même enfermée dedans et me disant : ça n'est plus son problème. Ce qui me fait pleurer là, c'est l'idée de me retrouver à sa place, un jour, lointain, pas si lointain que ça, de moins en moins lointain.

Et puis, depuis quelques jours - il était temps ! vous alliez dire - il me paraît au contraire évident que ce qui est affreux, insoutenable, injuste et douloureux c'est, et ça n'est que, exclusivement, la mort des autres.

Je ne fais aucune liste, même pas mentalement, superstition tout d'un coup. Leurs morts sont inacceptables. Voilà.

Et tant pis pour le temps qui efface les blessures, émousse les douleurs, pour le beau temps qui nous fait sourire quand-même, pour les choses belles et bonnes qui nous distraient et nous ravissent.

Enfin, je dis 'tant pis', mais je vais vite y retourner.

Parce que s'il est bon de venir me recueillir sur le seuil du 26, m'y plonger dans des pensées cruelles, il ne serait pas sain de m'y attarder longtemps.

On peut être fâché contre la mort des autres, ça n'empêche pas, bien au contraire, d'aimer sa vie, leur vie, la vie. 

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26 mars 2018 1 26 /03 /mars /2018 10:31

Je ne sais plus pourquoi j'ai repensé à ça. Encore une de ces idées comme des bulles dans un marécage ... Donner l'exemple : c'est ce que mon père a essayé de m'inculquer.

Donner l'exemple, ça n'est pas tout à fait la même chose que faire sa part. Je croyais, naïvement que ce rôle m'était dévolu en tant qu'aînée. Je devais, par mes bonnes notes et ma conduite obéissante et généreuse, montrer "le bon exemple" à ma petite sœur.

J'ai compris ce matin sous la douche (lieu de toutes révélations) que ça recouvrait une idée beaucoup plus large et presque un peu désabusée : même pas "fais de ton mieux, contribue au bien du monde, sauve la planète petit geste par petit non-geste" mais : "fais ce que tu crois juste et dis aux autres ce que tu fais, tu en convaincras peut-être un ou deux au passage".

Cet impératif est probablement à l'origine de mes fréquents scrupules de ne pas agir suffisamment. De ne pas agir du tout, d'ailleurs. Et de moins en moins.

Je me demande quel exemple je peux bien donner à ceux qui me regardent ...

(ça n'a rien à voir mais ... à propos de famille)

(ça n'a rien à voir mais ... à propos de famille)

Dans un tout autre ordre d'idée, j'ai été happée par une nouvelle, ou plus exactement par un nom. C'est en Argentine, un gars adopté enfant par une famille d'accueil s'est découvert, maintenant, à la trentaine, fils de "desaparecidos".

Il s'appelle Guillermo Pérez Roisinblit.

J'en suis restée fascinée, je n'ai même pas pu lire les détails de son histoire. Roisinblit, que Guillermo me pardonne mais on croirait une blague, ça sonne à mes yeux comme 'bavasaka ma sarpataparda'.

Vous connaissez la chanson ? "Buvons un coup ma serpette est perdue, mais le manche, mais le manche, buvons un coup ma serpette est perdue, mais le manche est revenu." Dont les couplets sont des variantes où l'on remplace les voyelles par chacune des cinq, successivement.

Un de ces mystères, non, un de ces foutages de gueule qu'occasionne la transcription des noms des étrangers qui entrent dans un nouveau pays.

Tous ces i, franchement, non ? Vous n'êtes pas d'accord ? Vous ne croyez pas que l'employé d'Etat Civil qui a enregistré le dénommé Rozenblat à la frontière argentine s'est payé une bonne tranche de rigolade au détriment d'un juif polonais qui ne parlait que sa langue ? Et l'hébreu.

Je me demande si Willy aurait ri ou s'il aurait été consterné.

 

Et j'y ai repensé cette nuit : Guillermo, c'est Guillaume, Guillaume, n'est-ce pas William ?

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